Le lendemain le vent semble se lever, une nuit en mer pour rejoindre Brava, le soleil illumine Fogo, gigantesque volcan qui émerge de l'eau, culminant à 2 829 m, toujours actif, dont les dernières éruptions datent de 1951 et 1995.

L'arrivée à Porto Da Furna, petite baie encaissée ne fut pas facile, car au milieu le "Sotavento", ferry inter-îles, était en plein déchargement, il ne vient pas souvent et surtout il est le principal relais entre les îles de l'archipel. Cargaison impressionnante de voyageurs, d'animaux, de fruits, céréales et même d'une voiture. Nous nous glissons entre un petit voilier et des embarcations locales, un ami et des pêcheurs nous aident en reliant l'arrière du bateau avec deux aussières frappées avec tour mort sur de gros rochers.

L'île subit aussi la désertification, pas plus de 3 000 habitants, nombreux sont ceux qui partent vivre au U.S.A. Le gardien d'eau nous ouvre la grille car l'eau est rationnée. Des enfants papillonnent autour de nous. L'île a l'air, attachante mais la traversée est très présente dans nos têtes. Dernier repas à bord des "Vanneaux" avec "Vagualame", rien de meilleur qu'une soupe de poissons, des langoustes, gâteau à la banane, et surtout les amis.

D'après le guide "Atlantic Island" (Imray) : "Ihla Brava is an excellent place from wich to depart for the Atlantic passage".

16/01/1997 L'océan est là sur notre carte, un pas de géant suffirait peut-être à l'enjamber, c'est notre petit voilier qui part s'aventurer sur cette immensité. Minuscule petit point effectué toutes les douze heures, histoire d'être sûrs que nous sommes bien là, au milieu de l'atlantique, en route pour la Barbade.

Au large de Brava, la soirée est paisible et nous en profitons pour pêcher. Hélas, des dauphins passaient rapidement derrière "Caïpirina" et lorsque nous avons remonté la ligne, un dauphin avait sa nageoire caudale emmêlée avec le nylon, quand nous l'avons découvert il était déjà mort. Ce triste épisode a un peu stoppé notre élan pour la pêche.

Pendant la traversée, la vie à bord s'organise : lecture (on dévore les livres), arrosage dans le cockpit, cuisine (pas trop compliquée à cause des mouvements continuels du bateau), pêche d'un tazard et d'une dorade coryphène, orientation du panneau solaire, longue rêverie, envoûtés par le ciel, les nuages et les vagues.

La deuxième semaine nous barrons un peu car le panneau solaire ne fournit pas assez d'énergie pour le pilote électrique. Nuit de pleine lune, nous déchirons le spi (âgé de 10 ans). Aperçu un cargo. Observé des petits oiseaux noirs et parfois un paille en queue.

Plus on se rapproche des Caraïbes et plus les grains sont violents, être réveillé en pleine nuit pour prendre le troisième ris sous une douche, cela vous remet les idées en place, et par-dessus tout le pilote électrique en vrac, à contre vrombissant de peur, il nous faut sauter à la barre pour ne pas empanner. Il est certain que nous traversons dans une période où les "squalls" sont fréquents, atteignant régulièrement 30 à 35 noeuds. Le jour on essaye d'éviter ces gros cumulus sombres en zigzaguant mais la nuit c'est moins évident, surtout lorsque l'on est confortablement installé dans sa toile antiroulis. La nuit, veille de trois heures chacun. Les croix s'alignent, d'Est en Ouest, le soleil dans le dos le matin et pile en face le soir.

Depuis quelques jours la longue houle d'atlantique fait place à une mer un peu plus désordonnée, d'une hauteur de trois à quatre mètres. Cela n'arrange pas le pilote électrique qui comme un rappeur fou tend le bras à droite et à gauche dans un roulis binaire bien soutenu. Jusqu'à l'arrivée nous serons ballottés de tribord à bâbord et même que l'on pourrait inventer d'autres bords, enfin nous serons finement prêts pour les danses locales.

C'est reparti, troisième ris mais cette fois je viens d'empanner à contre, je dois choquer de la retenue de bôme qui entre temps à exploser les réas du bout de chariot de grand voile. Manoeuvre délicate de choquer lentement la retenue de bôme car il m'est impossible de réempanner dans la foulée. Vive le frein de bôme.

La navigation ne fut cependant pas trop difficile, GPS oblige...

Petite inspection du bateau, on rejette le surplus de poissons volants qui pour la plupart finissent leur vie, desséchés sur le pont. C'est alors que nous découvrons un bas hauban détoronné sur un, deux, trois torons (Malinovski nous avait dit de surveiller celui de bâbord). Pascal renforce avec une basse bastaque, il est temps de retrouver des eaux plus calmes.  

Un petit tour à la BLU, le zouk se balade sur les ondes, c'est certain nous ne sommes pas en Grèce ou en Turquie.

La Barbade apparaît, impression de verdure après les terres asséchées du Cap Vert. Nous la débordons par le sud pour atteindre Carlisle Bay. Face au yatching club nous trouvons un corps mort, 16 jours de mer pour atteindre ces eaux transparentes qui ne demandent qu'à piquer une tête. Puis notre minibus de mer à l'eau, direction la terre, baptême à l'arrivée, un petit rouleau soulève l'annexe par l'arrière et tout le monde à l'eau, beau spectacle devant les clients qui sirotent du coca confortablement installés dans des transats.  

Pendant une semaine nous parcourons l'île, en essayant en vain de réparer notre gréement. Mais ici tout est cher ou indisponible, c'est en Martinique que les problèmes techniques seront résolus. Les transports en commun sont imbattables, sept francs pour voir l'île de bout en bout, conduite musclée, nous sillonnons les routes bordées de maisons en bois et tôles multicolores. Beaucoup de reggae people, "Bob is not dead". Les plages sont sublimes, au nom évocateur de Paradise Beach, cocotiers et sable blanc... Par contre il vaut mieux ne pas tarder à se présenter à la douane, qui vous gratifie d'une sévère remontrance et n'oublie pas la taxe même si vous êtes sur ancre. 

Nous quittons Carlisle bay en compagnie de la "Cigale", un couple tourdu-mondiste pour la troisième fois. Navigation vers la Martinique, par houle de travers et alizé soutenu, un mouchoir et trois ris. Courte nuit en mer avant de gagner l'anse Caritan puis le port du Marin. 

Martinique 12/04/1997. Le compte à rebours est lancé, je ne réalise pas trop ce qui nous est arrivé. Peut être est-ce une sensation trop forte. La Barbade semble déjà si loin (pourtant à peine un ou deux mois se sont écoulés depuis que nous sommes en Martinique). Une semaine après notre arrivée au Marin, un spécialiste des gréements changera le fameux hauban détoronné.

Retrouvailles de nos parents avec qui nous découvrons l'île : Presqu'île de la Caravelle, réserve naturelle dans la mangrove.

Traversée de l'île d'est en ouest vers Saint Pierre sous la pluie, dans cette végétation exubérante, fougères arborescentes, cascade, bananeraie...

Retour par la route de la Trace, les lianes dégringolent des arbres dont les sommets dépassent souvent 20 mètres de hauteur, (route toujours entretenue sous peine de voir la nature reprendre ses droits).

Rocher du Diamant, Anses d'Arlet, Fort de France, Habitation Céron, jardin botanique de Balata (plus de 1 000 espèces de plantes tropicales et fleurs).

L'habitation Clément, demeure de planteur du XVIII siècle et à côté l'ancienne distillerie (où vieillissent 450 000 litres de rhum dans 2 700 fûts de chêne).

Randonnée de Saint Anne à l'abri des vents d'est vers la côte sauvage, Baie des Anglais où déferlent les vagues. La plage des Salines semble l'attraction touristique, nous trouverons pourtant des plages désertes.

Caïpirina


En route vers le Cap Vert

et la transatlantique