St Pierre et Miquelon
Nous sommes le 13 mai, direction la Floride et la ville de Key West située juste en face de La Havane à quelques 90 milles . Navigation au près serré en compagnie de nos amis Francis et Marie-Pierre du voilier " Ideïous ", retrouvés à La Havane ; au début dans une mer bien formée, mais le vent adonne, le cap devient meilleur ainsi que le confort. Vers 4 heures du matin nous apercevons les premières lumières des Etats-Unis, deux heures plus tard nous passons la bouée d'atterrissage du chenal d'entrée de Key West ; mouillage au milieu de plusieurs dizaines de voiliers , voilà bien longtemps que cela ne nous était pas arrivé. Nous y cherchons " Dune " mais le rendez-vous est manqué, car nous apprenons via Internet, que notre ami Christian a laissé le voilier au Guatemala pour rejoindre St Pierre plus rapidement et y retrouver femme et enfant.

Le contraste avec la ville d'en face, à 90 milles de là, est saisissant ; tout est propre, net, les maisons sont toutes en bois avec de jolis jardins pleins de fleurs que des voitures comme neuves… comme dans les films.

La vie y est très chère, d'une part pour nous à cause du prix du dollar et puis c'est une ville très prisée par les touristes américains. Nous louerons une voiture pour trouver la fabrique Windbugger afin d'y acheter une nouvelle dynamo pour notre éolienne près de Miami que nous visiterons en vitesse, par la même occasion.
Les pleins faits, le 21 mai nous partons pour Beaufort en Caroline du Nord avec " Idéïous ", soit près de 800 milles devant nous avec le Gulf Stream pour partenaire. Dès la sortie du chenal un courant de 3,5 nœuds nous pousse mais avec un léger vent contraire ce qui lève une mer désordonnée et très inconfortable. Dans la nuit suivante le vent va tourner, nous voilà travers, entre 7 et 8 nœuds au loch, entre 9 et 10 au GPS
Dans la matinée du 22 le vent passe au S.O. ce qui nous permet d'envoyer le spi, c'est vraiment un plaisir tout particulier de naviguer avec cette voile, nous le garderons jusqu'au soir car le vent forcitLes deux jours suivants seront ponctués par des vents plutôt forts entre 27 et 35 nœuds, une mer bien formée où certaines crêtes de vagues déferlent, la moyenne est d'environ 200 milles par 24 heures.

Nous avons perdu le contact radio avec nos amis d'Idéïous trop éloignés sans doute.
Le soleil se lève sur notre quatrième jour de mer, il nous reste une quarantaine de milles et c'est vers 13h00 que nous jetons l'ancre devant la ville.

200 milles de différence entre le GPS et le loch voilà ce que nous a fait gagner le Gulf Stream. " Idéïous "arrivera 12 h après nous en pleine nuit sous une pluie battante d'un très gros orage. Beaufort sera notre port d'entrée dans les Waters Way afin de contourner le cap Hatterras qui a mauvaise réputation.

Les Waters Ways permettent de remonter tous les Etats-Unis de la Floride jusqu'au Canada par l'intérieur en empruntant une succession de rivières, lacs et canaux, très fréquentés par les plaisanciers américains mais aussi par de grosse barges de transport de matériaux.
Nous voilà donc partis pour Norfolk en Virginie l'une des principales bases navales de la marine américaine. Nous pensions rallier la Virginie en 3 ou 4 jours mais c'était sans compter avec un coup de vent du nord qui nous bloquera pendant deux jours dans les waters-ways.
La nature est très belle, les canaux sont bordés de très jolies maisons en bois, une balade très bucolique et reposante ; la majorité du trajet se fait au moteur mais de temps en temps lorsque nous rejoignons un plan d'eau un peu plus large nous pouvons envoyer génois et grand-voile. Nous parcourons environ 45 milles par jour, les mouillages pour la nuit se font en général au détour d'un bras de rivière un peu à l'écart du chenal principal. Plusieurs marinas proposent leurs services de gardiennage et peut-être pourrions-nous y laisser Vagualame lors de notre voyage de retour pour aller visiter l'intérieur de ce pays…mais nous n'y sommes pas encore ; pour l'instant nous approchons de Norfolk, les ponts se multiplient, fini la campagne , les forêts et les belles maisons ; bonjour les routes , les voies ferrées, les zones industrielles et les odeurs peu très agréables.

Nous traversons la zone militaire réservée à la marine de guerre, une succession de portes-avions, frégates, cuirassés et sous-marins en tout genre alignés comme à la parade le long des quais. Nous trouvons un bon mouillage devant une grande marina en face la ville de Norfolk.

Avec nos amis Francis et Marie-Pierre nous louons une voiture pour une journée, balade jusqu'à la ville de Pertersburg, haut lieu de la guerre de sécession qui opposa Sudistes et Nordistes ; on y apprend comment les nordistes ont pris le dessus sur l'armée du général Lee, il faut dire aussi qu'ils étaient deux fois plus nombreux.

La Virginie étant aussi le pays de la cacahuète, nous la dégustons sous toute ses formes, sucrée, salée, grillée, épicée, un régal…

Après le passage d'un nouveau front froid nous partons le jeudi 8 juin pour New-York, 300 milles de navigation au portant, une navigation un peu différente pourtant car les cartes papiers restent roulées dans leur logement, notre ordinateur portable reste allumé, la carte informatique défile sur l'écran et Vagualame avance doucement sous nos yeux, le GPS étant relié au PC….c'est magique, il faut dire que de sympathiques québécois nous ont donné logiciel et cartes marines sur cédéroms !!

48 heures plus tard les lumières de New York se détachent de l'horizon, arrivée magnifique au lever du jour dans une légère brume, la Statue de la Liberté apparaissant peu à peu. Moment magique lorsque nous jetons l'ancre au pied de celle-ci et que Manhattan se dévoile derrière elle.

Dans la matinée nous remonterons l'Hudson pour prendre une bouée de corps mort devant la marina de la 79e rue, nous sommes au cœur de New York. Coté tranquilité on peut faire mieux , beaucoup de trafic sur l'eau, une autoroute longe les quais avec son cortège ininterrompu de voiture plus une voie ferrée …enfin la totale. Une petite bande de verdure nous sépare de toute cette agitation.

Cinq jours d'escale entièrement consacrés à la visite de cette mégalopole, Nous irons voir si l'air de New York est moins pollué à 450 mètres d'altitude en haut de l'une des deux tours du World Trade Center, picnic dans Central Park, balade sur la 5e Avenue encore plus animée ce jour là car c'est la fête nationale de Porto Rico et tous les Porto-Ricains sont de sortie et cela fait vraiment beaucoup, beaucoup de monde. Maxime termine son année scolaire au CNED par l'envoie de ses dernier devoirs, le voilà en vacances. Et puis promenade sur Broadway Avenue, visite du musée d'histoire naturel, d'un musée maritime, et bien sur de l'Empire State Building de nuit et …malheureusement dans la brouillard.

Dans la soirée nous quittons notre mouillage afin de profiter du courant portant de la marée descendante ; nous terminons la nuit sous la flamme de la Statue de la Liberté en attendant le lever du jour. L'aube arrive mais il y a toujours autant de brouillard, tant pis il nous faut partir, navigation les yeux rivés sur les deux écrans, celui du radar et celui de l'ordinateur qui nous donne en permanence la position du bateau. La matinée avance sans que la visibilité s'améliore, bien au contraire, drôle de condition pour fêter l'anniversaire de Claude alors je repère sur la carte un petit port sur l'île de Long Island et nous décidons d'y faire un petit arrêt. Trois heures plus tard l'ancre est mouillée. Claude soufflera ses bougies sous un très beau couché de soleil, je ne dirais pas combien….mais il faut tout de même pas mal de souffle….Le mouillage est calme et nous l'apprécions tout particulièrement après ces cinq jours passés au sein de New York.

Nous repartons le lendemain pour le port de pêche de New-Bedford juste avant le canal du Cap Cod, à 150 milles, parcourus en grande partie dans le brouillard, on commence à s'y habituer. Courte escale de 24 heures, nous y visiterons tout de même le musée de la baleine car New-Bedford ne comptait pas moins de 300 baleiniers à l'époque de la chasse ; très beau et très intéressant. Les formalités de sortie des Etats-Unis réduites à un simple coup de fil nous partons au lever du jour pour passer le canal avec un courant portant de 4 à 6 nœuds, il est donc préférable de ne pas se tromper dans son calcul de marée.

Petit arrêt à Provincetown à la pointe du Cap Cod ; beaucoup de touristes qui viennent principalement pour voir les baleines en mer ; on se renseigne pour connaître l'endroit, il y a effectivement un grand banc un peu au large, peu profond , 30 à 50 mètres où les baleines viennent se nourrir. Mardi 20 juin nous quittons cette fois pour de bon les Etats-Unis pour le Canada et la Nouvelle-Ecosse, direction Halifax, un petit détour sur le banc de Stellwagen et l'on peu voir nos premières baleines ; un souffle, puis deux, nous voilà au milieu, moteur arrêté, sous grand-voile seule afin de les approcher le plus possible, magnifique et impressionnant.

 
En fin de matinée l'étrave de Vagualame prend le bon cap, 350 milles devant nous, pas de vent jusqu'en milieu de nuit puis le vent rentre doucement ,15 nœuds, et le ronron du moteur s'éteint. Le jour suivant le vent va forcir, Vagualame marche bien mais la température dans le bateau descend, dehors cela devient franchement frais.

Jeudi 22 les premiers feux de la Nouvelle-Ecosse sont aperçus sur babord ; premier contact avec les gardes-côtes canadiens qui nous confirment une météo prise sur le fax, 25 à 30 nœuds et surtout une visibilité qui va se réduire de plus en plus. Et c'est de nouveau dans un magnifique brouillard que nous abordons le chenal d' entrée d' Halifax, avancée rythmée au son des cornes de brumes. Il est 20h30 quand nous nous amarrons sur un quai en plein centre ville.

36 heures d'escale bien remplie entre les formalités d'entrée au Canada, les courses d'avitaillement et l'achat d'un petit chauffage à alcool car les soirées sont devenues très fraîches.

Dernière étape de notre remontée vers le nord : 300 milles nous séparent de St Pierre et Miquelon. Les premières 24 h se passent sous risée Perkins par manque de vent qui va se lever pour forcir jusqu'à 30 nœuds ; la mer se creuse vite car nous sommes sur des bancs peu profonds.
Le lundi 26 juin se lève avec la brume ; vers 15 heures nous apercevons l'île de St Pierre …..sur le radar ; on voit tout juste l'étrave du bateau ; nous faisons le tour de l'île aux Marins ; l'endroit étant plutôt mal pavé, nous ne quittons pas des yeux les écrans des radar, ordinateur et sondeur ; nous voilà dans l'alignement de la passe principale lorsque le vent se lève au N.O. 30, 35 , 38 nœuds en plein dans le nez ; en quelques minutes, la brume est balayée, le soleil arrive et nous voyons enfin l'île, c'est superbe.

Nos amarres sont prises par nos amis Fabrice et Sylvie du voilier " Citoyens du Monde " et d'autres " voileux " puis arrivent Christian, Gaëlle et Tom (le petit), retrouvailles chaleureuses. Maxime débarque, tout heureux de retrouver enfin son copain Tom (le grand !) et part à la découverte de l'île en vélo.

2800 milles viennent d'être parcourus, des dizaines d'escales, de rencontres, des centaines de souvenirs, 20 à 25 degrés de température perdus pour 30 degrés de longitude gagnés.

Après avoir passé 3 semaines à St Pierre à mettre en place le boulot etc… et à fêter nos retrouvailles avec les amis connus à Madère pour certains et en Guyane pour d'autres, nous passons 3 très belles semaines dans le golfe du St Laurent, aux îles de la Madeleine, îles québécoises où nous avons à nouveau étés charmés par ces gens si chaleureux à l'accent chantant, et le long de la côte sud de Terre-Neuve, superbe, sauvage, pleines de fjords où s'abriter, avec une bonne carte en mains ! Nous avons ramassé des fraises sauvages et autres baies jaunes et rouges, nous avons fait de grandes randonnées, des châteaux de sables, ramassé moules et palourdes à foison, dégusté homard et flétan et passé du bon temps avec nos amis du catamaran " citoyen du monde ".

Le 9 Aout, " Vagualame " rentre au port, enfin dans son nouveau port pour quelques temps ; le boulot recommence ; l'une remplace l'unique infirmier libéral jusqu'à la fin du mois, l'autre mets en place le boulot avec le bureau d'études de Trappes via Internet; ceci sera facilité par le fait que nous pouvons avoir le téléphone et Internet à bord, au ponton de l'école de voile où nous comptons passer l'hiver, après quelques aménagements comme le fignolage de l'isolation thermique, la construction d'un "tambour " dans le cockpit, appellation locale pour un sas d'entrée contre le froid et le vent et l'achat d'un bon chauffage électrique. Maxime part en "colo " avec l'école de voile à Miquelon, autre île de l'archipel, appelée aussi petite Miquelon, très belle et très sauvage ; il est à priori très content de rester ici, il faut dire que les conditions pour lui sont assez idéales : sécurité totale(à part se faire renverser par une des nombreuses voitures !), il peut donc se balader à sa guise avec son vélo, il se sent libre et l'apprécie ; d'autre part, St Pierre est bien équipée côté activités, et tout est tout près, il peut aller partout en vélo ou à pied : la piscine, le lycée, le judo, la bibliothèque, les copains, la patinoire … cela va nous changer de la Guyane, de La Rochelle et du Lot, où tout se fait en voiture ; nous voulions d'ailleurs nous en passer, mais comme cela m'est indispensable pour le libéral, nous avons trouvé un petit 4x4 Suzuki d'occasion.

En Septembre, rentrée pour tout le monde, l'hôpital d'un côté, le lycée de l'autre où le père a été nommé prof. de dessin industriel et le fils rentre en cinquième ; la vie s'organise durant l'automne, Vagualame dépose son mat en Novembre, le capitaine construit le tambour et l'année se termine sous la neige.

Une vie un peu plus sédentaire nous attend dans les prochains mois mais le rêve est toujours là et c'est sûrement le plus important.

Jean-Louis, Claude et Maxime


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